MEMOIRE DU CORPS ET SCHEMAS REPETITIFS

Evidemment, personne n’a choisi d’être infertile. Personne n’a choisi par plaisir de suivre la voie de la PMA ou d’avoir recours au don de gamètes.

De façon très évidente ou parfois pratiquement invisible, certains événements ou certaines problématiques se répètent dans notre vie comme ils ont pu se répéter chez nos parents et autres membres de la famille. Certaines personnes sont tellement persuadées de ne pas être capables de donner la vie que la stérilité apparaît réellement. J’ai en tête l’exemple d’un jeune homme qui, fils unique parmi cinq sœurs fertiles elles-mêmes, disait déjà à 25 ans, qu’il était sûr d’être stérile. Pourquoi ? Lorsqu‘il a rencontré sa future femme, il a immédiatement  souhaité effectuer un spermogramme pour avoir la preuve scientifique de son infertilité. Cette dernière a refusé. Après plusieurs séances de thérapie, il a découvert qu’il ne voulait pas s’autoriser à devenir père puisqu’être homme dans sa famille  signifiait être bon à rien.
Son père, fils unique aussi, totalement soumis à sa femme, était réduit à un moins que rien, bon pour rapporter un salaire. Ainsi, tous les hommes de la famille n’étaient rien. Le jeune homme en question, n’imaginait pas donner une vie à un garçon. Sa mère n’avait de bonnes relations qu’avec ses sœurs. Se considérant comme une erreur de la nature, il est tombé dans le cercle des répétitions mais en voulant couper court à son identité d’homme, de père. Il s’est interdit la transmission masculine de façon radicale : devenir stérile. Evidemment, il ne l’a pas décidé sciemment.
Pour finir, son spermogramme a révélé beaucoup d’anomalies.  A l’aide des inséminations artificielles, deux ans plus tard, il est devenu le père…d’une petite fille.

Les schémas répétitifs sont souvent inconscients, nous enferment et  nous emprisonnent  dans un cadre que nous connaissons déjà et qui paradoxalement, nous sécurise. Si notre mère, notre sœur, nos grand-mères ont vécu des  difficultés liées à la conception, ou à l’accouchement, nous avons des « chances » de nous retrouver sur un chemin de la conception problématique sans le savoirBien sûr, cela n’est pas une généralité.
Au départ dramatiques, ces schémas peuvent aussi devenir libérateurs avec la prise de conscience et un travail « d’inversement »

LA MEMOIRE DE NOS CELLULES
Témoignage d’une jeune femme infertile sans raison.

Je suis issue de l’une de ses grandes familles de l’empire austro-hongrois spoliées et envahies par les bolcheviques et les allemands. De ses gens qui ont du déménager de ville en ville toutes les quelques semaines pour échapper à la mort. De ses femmes qu’on obligeait à voir les entrailles pendus de leur bébé assassinés. De ses peuples qui n’avaient plus de patrie ni frontières. Ma grand-mère paternelle avait eu 3 filles, toutes les trois décédées peu après la naissance sans raison. L’aînée s’appelait comme moi. Elle avait 1 an lorsqu’elle est morte.  C’était la sœur aînée de mon père. Mon père était le préféré de sa maman et se devait de ressembler à sa soeur aînée décédée. Et il a tout fait pour. Comme s’il était la fille de sa mère mais jamais lui-même, un garçon tout simplement.

Moi même je n’étais pas un enfant planifié.  Mes parents s’aimaient follement paraît-il depuis l’adolescence. Je suis arrivée à un moment inattendu de leurs amours de jeunes. Tombée enceinte, ma mère, surprise et angoissée a donc demandé à sa mère ce qu’elle devait « en » faire. Mamie l’a autorisée à me garder. Heureuse d’avoir une raison  d’épouser mon père, ma mère a cru qu’une nouvelle vie commençait pour elle. Je suis donc née avec une mission (enfin  c’est ce que j’ai toujours cru sans le savoir), rendre légitime le couple de mes deux jeunes parents. De fait, je me suis toujours sentie responsable de toute ma famille, mes frères et sœurs, mes parents, sauf de moi même. Jusqu’au jour quelque chose a cloché. Lorsque j’ai eu un désir d’enfant, il s’est avéré que ce n’était pas possible. Je souffrais d’une stérilité inexpliquée.  A la première annonce de l’infertilité, je n’avais fait aucun lien avec mon histoire. Je suis l’aînée d’une fratrie de cinq et je n’ai pu comprendre pourquoi cela m’arrivait à moi seule et unique de la famille.  Ni ma mère, ni mes grands-mères ni mes tantes n’ont été concernées par l’infertilité.
J’ai donc commencé à faire des recherches sur le sujet. Mes thérapies en mémoires corporelle, prénatale et en psycho-généalogie ont duré  plusieurs années.  Je savais déjà que mon corps portait des traumatismes de ma famille, de mon peuple. Lorsque je suis enfin tombée enceinte,  j’ai été frappée par une maladie grave de la grossesse. Fréquente mais grave et mal connue : la pré-éclampsie.  Avec un risque élevé de mort, elle nous est tombée dessus à moi et à mon bébé. Mais pourquoi ?  Le jour du déclenchement à la maternité, une anesthésiste me faisant la piqûre de la péridurale s’est penchée vers moi en disant : « Savez vous ce qu’est la mémoire du corps, Madame ? » Oh que oui, pensais-je, en croyant le savoir. Mais plusieurs minutes après, j’ai pris conscience de quelque chose d’incroyable : que la mémoire du corps venait de me frapper de près, qu’elle était palpable à cet instant là. Je découvrais que le jour de la naissance de mon enfant, était aussi le jour de la naissance de son cousin, le fils de ma sœur vivant à 10 000km de chez nous. Ma sœur avait fait une pré-éclampsie très sévère au même stade de la grossesse jour pour jour, et a accouché le même jour que moi 12 ans plus tôt. J’ai toujours eu un sentiment de regret et de culpabilité de ne pas pouvoir être près d’elle pendant ces événements dramatiques. Habitant sur deux continents différents depuis plus de 20 ans, nous nous sommes, elle et moi, toujours senties arrachées l’une à l’autre par la force de la vie. Après son accouchement par césarienne, elle est restée longtemps en réanimation comme moi. Nos enfants sont nés à l’identique. Je l’ai dit, stupéfaite, à l’anesthésiste, qui a simplement souri.
Comment j’explique cela aujourd’hui ? Par le hasard ? Oui, cela m’est arrivé, jusqu’au jour ou ni ma sœur ni moi, nous ne voulions plus rester sans réponse. Nous avons décidé de procéder à une analyse génétique afin de savoir si nous étions porteuses de gènes responsables de la pré-éclampsie. Aucun de nos pays de résidence n’a voulu le prendre en charge évidemment. Nous avons payé. Le résultat est non. Nous n’avons aucun des 6 gènes impliqués dans cette maladie. Nous savons, qu’il n y a pas que les gènes. La pré-éclampsie est une maladie très mal connue. Mais quand même !
En absence de tout antécédent familial, et en présence de cette concordance des dates et des stades de nos grossesses, je me permets de croire à tout jamais que la mémoire corporelle est bel et bien là.


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